Guerre au Soudan: «L’impact sur les civils est énorme, il faut redoubler d’efforts pour que ce conflit s’arrête» – Base Cote Media

Guerre au Soudan: «L’impact sur les civils est énorme, il faut redoubler d’efforts pour que ce conflit s’arrête»

Depuis le 15 avril 2023, la guerre entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti a ravagé la capitale Khartoum et poussé plus de quatre millions de personnes à fuir. Les morts, eux, se comptent par milliers. Avant cette crise, le Soudan comptait déjà 1,1 million de réfugiés venus des pays voisins. La situation humanitaire est de plus en plus précaire et fragile, d’autant que l’accès aux populations déplacées reste difficile. Mamadou Dian Balde, directeur régional du HCR, le Haut-commissariat aux réfugiés, est au Soudan actuellement. Il répond à Florence Morice au téléphone depuis Kosti dans l’État du Nil Blanc.

RFI : Mamadou Dian Balde, plus de quatre mois après le début de cette guerre au Soudan, est-ce que le nombre de déplacés se stabilise ou est-ce qu’il continue d’augmenter ?

Mamadou Dian Balde : Il ne se stabilise pas. La souffrance humaine ne fait que continuer. L’impact est énorme sur les populations civiles. Il faut redoubler d’efforts pour que ce conflit s’arrête. Nous voyons malheureusement une incapacité à arrêter le conflit. En attendant que la paix revienne, nous lançons aussi un appel aux donateurs afin qu’ils nous assistent pour que nous puissions alléger les souffrances subies.

Vous êtes actuellement à Kosti dans le Nil Blanc. Comment s’organise l’assistance aux déplacés, sachant qu’il y avait déjà de nombreux réfugiés à Kosti avant cette guerre, et que cela accroit encore un peu plus la pression, notamment sur les structures de santé ?

Il y a de plus en plus de partenaires, que ce soient des Nations unies ou des ONG, qui viennent pour aider à soulager ces populations, mais ça doit se faire beaucoup plus vite, et ça doit se faire beaucoup plus, parce que les besoins que nous voyons sont des besoins énormes. J’ai visité un poste de santé aujourd’hui (mardi) à huit kilomètres de la frontière avec le Sud-Soudan. Il abrite des Soudanais, il abrite des réfugiés qui étaient déjà à Khartoum, c’est juste inimaginable. Ces gens-là sont frustrés. Il nous faut juste répondre à un niveau qui est en adéquation avec les besoins que nous constatons.

Y a-t-il encore du personnel local qui est resté malgré les conditions difficiles ?

Absolument, des gens qui sont extrêmement résilients, des gens qui sont très endurants, qui avaient l’habitude de recevoir des salaires, qui ne reçoivent plus de salaires, qui ne bénéficient que du soutien que nous leur apportons, que ce soient les Nations unies ou les ONG locales, et qui ont décidé de rester pour aider leurs frères et sœurs.

Est-ce que l’accès pour le personnel humanitaire s’est amélioré ?

Il est plus facile pour certaines organisations, mais il est généralement difficile. J’ai rencontré plusieurs responsables du gouvernement ici et nous leur avons fait comprendre qu’il faut faciliter la délivrance des visas pour que l’on puisse répondre aux besoins humanitaires, y compris pour les journalistes. Nous faisons notre plaidoyer au mieux pour que ce soit facilité et qu’on puisse avoir la visibilité nécessaire. Le Soudan fait face à l’une des situations les plus difficiles qu’il a connu depuis son indépendance en 1956. Nous espérons qu’ils vont rapidement pouvoir tourner la page, même si, malheureusement, les décideurs politiques ne le font pas.

Où en sont les discussions avec l’Égypte ? On sait qu’à un certain moment, ils n’ont accepté que les femmes et les enfants. Aujourd’hui, ils réclameraient des visas pour les réfugiés. Êtes-vous en discussion avec eux pour régler ces problèmes ?

Absolument, nous sommes en contact avec les autorités égyptiennes. Le Haut-Commissaire, Filippo Grandi, était en Égypte. Nous sommes en contact et nous essayons de faire de notre mieux, parce que déjà l’Égypte reçoit cinq à six millions de Soudanais sur la base d’accords qui existaient déjà. L’Égypte a ouvert ses frontières pour recevoir les réfugiés jusque-là. Il y a eu des restrictions à certains moments, mais nous en appelons à ces autorités-là pour que la solidarité continue à l’égard de leurs frères et sœurs soudanais qui sont dans le besoin. En même temps que nous le faisons, nous augmentons notre présence du côté de Wadi Halfa, près de la frontière du côté du Soudan, pour que ceux qui peuvent être assistés à l’intérieur du Soudan le soient, et que ceux qui veulent traverser la frontière internationale puissent le faire. Mais une fois que les réfugiés soudanais arrivent en Égypte, leurs besoins ne sont pas remplis. Nous ne sommes financés qu’à hauteur de 31% de nos besoins. Donc le gouvernement égyptien demande tout de même qu’il y ait un plus grand soutien aux réfugiés qui ont déjà pu venir, et je crois que c’est vraiment ça l’esprit du pacte mondial pour les réfugiés, que l’Égypte continue d’ouvrir ses frontières, que nous puissions travailler avec eux, qu’il y ait un financement adéquat et comme ça, ça aide tout le monde, jusqu’à ce qu’il y ait une paix et que les réfugiés puissent repartir chez eux.

Vous allez vous rendre dans les jours qui viennent en Éthiopie. J’aimerais donc vous demander une réaction à ce rapport publié lundi par l’ONG Human Rights Watch, qui accuse les gardes-frontières saoudiens d’avoir tués des centaines de migrants éthiopiens, entre mars 2022 et juin 2023.

Nous sommes au courant de ce rapport. Nous sommes en train de nous informer davantage sur son contenu, et c’est quand même… Ce que nous entendons, ce qui est inscrit dans ce rapport-là, est absolument inconcevable.

rfi