Au Burkina Faso, l’arrestation d’une figure de la société civile fait craindre un durcissement de la junte – Base Cote Media

Au Burkina Faso, l’arrestation d’une figure de la société civile fait craindre un durcissement de la junte

Burkina Faso military leader, Lieutenant Colonel Paul-Henri Damiba speaks during a news conference with Ivory Coast's President Alassane Ouattara at the presidential palace in Abidjan, Ivory Coast, September 5, 2022. REUTERS/Luc Gnago

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Au Burkina Faso, son visage est devenu le symbole de la grogne contre la junte militaire au pouvoir depuis janvier. Après l’interpellation, début septembre, du militant Ollo Mathias Kambou, le hashtag #FreeKamao (« libérez Kamao », son surnom) fleurit sur les réseaux sociaux. Vendredi 23 septembre, le procureur a requis contre lui six mois de prison, dont trois mois ferme, pour « outrage » au chef de la junte, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, suite à plusieurs publications critiques sur FacebookC’est la deuxième fois seulement que le délit d’offense au président fait l’objet d’un procès dans l’histoire du pays – le premier cas concernait le polémiste franco-béninois Kémi Séba, jugé coupable d’outrage au président Roch Marc Christian Kaboré en 2019.

Le 5 septembre, Ollo Mathias Kambou, membre du Balai citoyen – un mouvement fer de lance de l’insurrection de 2014 –, a été interpellé par des gendarmes en civil à la sortie des locaux de la chaîne Omega TV, où il venait de participer à une émission de débats. Le militant de 35 ans y avait qualifié d’« échec total » le bilan au pouvoir de M. Damiba. La veille, sur les réseaux sociaux, il avait déjà épinglé le discours tout juste prononcé par le chef de l’Etat, qui se félicitait d’une « relative accalmie » dans certaines localités. « Il a raté une occasion en or de fermer sa bouche d’indigne, d’antipatriote, de traître », s’était-il emporté.

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Ce doctorant en science de la population était dans le viseur du pouvoir depuis quelque temps, selon nos informations. « Ses publications dérangeaient, on l’avait mis en garde par personne interposée en lui disant de se calmer », assure une source proche du militant. Guy-Hervé Kam, son avocat, dénonce aujourd’hui un procès « contre la liberté d’expression ».

Au tribunal de grande instance de Ouagadougou, les débats, parfois houleux, ont mis en cause le coup de force de l’armée contre la démocratie, huit ans après la chute du régime de Blaise Compaoré, chassé du pouvoir par la rue. « On s’est battu pour nos libertés et aujourd’hui on veut condamner quelqu’un qui donne son opinion ? », a fustigé Prosper Farama, à la défense, qui dénonce également des « irrégularités » lors de l’interpellation et la garde à vue de M. Kambou. « On peut critiquer, mais avec la forme ! », s’est agacé le parquet, invoquant des « propos méprisants ». Le jugement est attendu le 30 septembre.

« C’est le prix à payer »

Plusieurs organisations de la société civile s’alarment dans un communiqué d’« une volonté de musellement des voix discordantes à celles du MPSR », le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, le nom de la junte. Alors qu’elle s’était engagée à « reconquérir » le territoire, celle-ci échoue à endiguer la propagation djihadiste, suscitant de nombreuses critiques au sein de la population. Plusieurs manifestations ont eu lieu ces dernières semaines dans le nord face à l’aggravation de l’insécurité. Une gronde dont certains craignent qu’elle provoque en retour un durcissement des putschistes.

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