À Dakar, Macron attendu sur l’éducation dans les pays en développement – Base Cote Media

À Dakar, Macron attendu sur l’éducation dans les pays en développement

Emmanuel Macron se rend au Sénégal où il coprésidera vendredi, avec son homologue sénégalais, la conférence de financement du Partenariat mondial pour l’éducation. En retrait sur ce dossier ces dernières années, la France est attendue au tournant.

Fini les beaux discours, place aux actes. Alors qu’Emmanuel Macron a fait de l’éducation dans les pays en développement une question prioritaire de la politique étrangère française, l’heure est venue de matérialiser cette bonne volonté. Le président français sera en effet à Dakar, vendredi 2 février, pour coprésider la conférence de financement du Partenariat mondial pour l’éducation (PME) aux côtés du président sénégalais Macky Sall.

Créé en 2002, le PME a pour mission d’accompagner les pays en développement pour offrir une éducation de qualité aux 870 millions d’enfants qui n’y ont pas accès dans le monde. En l’espace de 16 ans, cette structure a permis à 72 millions d’enfants supplémentaires d’aller à l’école primaire. La conférence de vendredi, à laquelle la chanteuse Rihanna sera présente en tant qu’ambassadrice du PME, vise à lever 3,1 milliards de dollars pour la période 2018-2020, afin de financer la mise en œuvre de plans d’éducation dans 67 pays en développement.

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« J’appelle la communauté internationale à être au rendez-vous en février 2018 à Dakar », avait déclaré Emmanuel Macron lors de son premier discours devant l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, évoquant une « bataille essentielle ». « La première [des priorités], c’est d’investir dans l’éducation parce que c’est par l’éducation que nous gagnerons cette bataille contre l’obscurantisme, celle qui est aujourd’hui en train de faire basculer des pays, des régions entières, en Afrique comme au Proche et Moyen-Orient », avait-il souligné.

Mais cette volonté affichée par le chef de l’État est toutefois accueillie avec prudence par certaines ONG, qui estiment que la France ne contribue pas suffisamment à l’aide publique au développement. Friederike Röder, directrice pour le France de One, une ONG luttant contre l’extrême pauvreté, assistera à la conférence du PME cette semaine. Interrogée par France 24, elle estime que ce rendez-vous sera un test majeur pour la « crédibilité » d’Emmanuel Macron en matière d’aide au développement.

France 24 : La France copréside la conférence de reconstitution du PME avec le Sénégal. Pourquoi cet événement est-il important ?

Friederike Röder : Tout simplement parce que l’éducation des enfants est un investissement pour l’avenir et le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté. Si on investit massivement dans l’éducation, on pourrait éviter jusqu’à 2 800 décès par jour d’ici 2030 dans les pays en développement. L’objectif du PME est de réunir 3,1 milliards de dollars pour la période 2018-2020. Réunir cet argent permettrait à 26 millions d’enfants supplémentaires d’aller à l’école. Il y a un impact direct. Or, la part de l’aide internationale ayant baissé ces dernières années, il faut absolument que la conférence de Dakar marque un tournant. C’est aussi très important d’un point de vue symbolique, puisque ce sera la première conférence de financement du PME à se tenir sur le sol africain. Les pays en développement ont prévu de faire un effort financier important. Reste désormais une question : les pays donateurs seront-ils au rendez-vous ?

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Justement, la France a-t-elle toujours été au rendez-vous du PME ?

Très clairement, non. L’aide à l’éducation est un secteur délaissé par la France, qui figure parmi les plus mauvais élèves des pays contributeurs. Sa contribution ces dernières années a été ridiculement basse : 17 millions d’euros au total lors du dernier cycle 2014-2017, dont seulement 1 million la première année. Du jamais-vu ! Une situation honteuse pour la France qui, depuis la création du PME, n’a contribué qu’à hauteur de 2,3 % de son financement total quand le Royaume-Uni a, lui, contribué à hauteur de 22 %. Il faut absolument qu’Emmanuel Macron remédie à cela.

Le fait que le président français copréside cette conférence est-il le signe d’un changement ?

Cette annonce en septembre dernier a été une très bonne nouvelle, tout comme l’initiative de co-organiser cette conférence avec un pays en développement comme le Sénégal, ce qui insiste sur l’idée de partenariat. Emmanuel Macron est venu combler un vide sur cette question de l’éducation, car aucun pays développé ne s’en était vraiment emparé de cette manière jusqu’ici. C’est important car on ne peut avancer sur ces sujets que si des pays comme la France prennent le leadership. Il a depuis prononcé des mots très forts, notamment concernant l’éducation des filles, lors de ses discours à l’ONU en septembre, au Burkina Faso en novembre, ou lors de ses vœux au corps diplomatique en janvier. On a l’impression que le président a compris l’enjeu en faisant de l’éducation l’une de ses priorités. Mais derrière les beaux discours, combien la France va-t-elle mettre sur la table ? Car en fin de compte ce n’est pas qu’une question de mots, c’est aussi et surtout une question d’argent.

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Le collectif Coalition Éducation, dont fait partie votre ONG, a demandé à la France une aide de 300 millions de dollars pour la période 2018-2020. Or Paris n’a toujours pas annoncé le montant de sa contribution…

On s’attendait effectivement à ce que la France annonce avant Dakar le montant de son aide, et c’est inquiétant que ce ne soit pas le cas. Le PME a fixé comme objectif aux pays donateurs de contribuer à hauteur de 3,1 milliards de dollars. Si la France donnait 300 millions, cela représenterait environ 10 % de cette somme totale, un montant normal pour un pays qui se doit d’être parmi les premiers donateurs. Emmanuel Macron a beaucoup parlé depuis sa prise de fonction, Dakar sera donc un test, à la fois sur sa politique en matière d’aide au développement, mais aussi sur son leadership dans le domaine. Par le montant de sa contribution, la France doit entraîner d’autres pays à faire de même. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, sa crédibilité sera mise en cause.

France24