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Le président turc Recep Tayyip Erdogan a proclamé, dimanche soir, la victoire du « oui » au référendum sur le renforcement de ses pouvoirs. Une victoire de justesse. L’opposition dénonce des fraudes et conteste le résultat.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan recherchait un plébiscite mais c’est un résultat très serré qui ressort du référendum, organisé dimanche 16 avril, sur le renforcement de ses pouvoirs.

Le « oui » n’a recueilli que 51,35 % des suffrages, après dépouillement des bulletins dans 99 % des urnes, selon le chef d’État. Le Haut-Conseil électoral (YSK) en Turquie a confirmé cette victoire, précisant que le résultat définitif serait annoncé « d’ici à 11 ou 12 jours ».

« L’étroitesse des résultats va polariser encore plus les camps du « oui » et du « non » »

Dans un discours télévisé, Recep Tayyip Erdogan a salué une « décision historique » du peuple turc et appelé les pays étrangers à « respecter » le résultat du scrutin. Mais les deux principaux partis d’opposition, le CHP et le HDP (pro-kurde), ont dénoncé des « manipulations » au cours du référendum et annoncé qu’ils feraient appel du résultat. Ils fustigent notamment une mesure annoncée à la dernière minute par le YSK considérant comme valides les bulletins ne comportant pas le tampon officiel du bureau de vote dans lequel ils ont été glissés dans l’urne.

En dépit de la victoire annoncée du « oui » dans l’ensemble du pays, le camp du « non » l’a emporté dans les trois principales villes, Istanbul, Ankara et Izmir. « C’est une victoire pour Erdogan mais aussi une défaite. Il a perdu Istanbul, là où il a entamé sa carrière politique », en devenant maire en 1994, a écrit sur Twitter Soner Cagaptay, analyste spécialiste de la Turquie au Washington Institute. Les régions peuplées en majorité de Kurdes du Sud-Est ont aussi massivement voté contre l’accroissement des prérogatives du chef de l’État.

Venus assister au discours du Premier ministre Yildirim à Ankara, des partisans de l’AKP ont laissé éclater leur joie même s’ils s’attendaient à une plus large victoire du « oui ». « On attendait plus, mais je suis heureuse », clame Yadigar Boztepe, une jeune femme tenant un drapeau turc à la main. « Ce résultat montre qu’une partie du pays ne veut pas rendre le pays plus fort et a une mentalité européenne, l’autre partie ce sont des vrais Anatoliens », a renchéri un autre supporteur, Mustafa Umit Unsal.

Président jusqu’en 2029 ?

Si sa victoire devait être officiellement confirmée, lui qui a échappé à une tentative de putsch le 15 juillet disposerait non seulement de pouvoirs considérablement renforcés, mais pourrait en théorie rester à la tête de l’État jusqu’en 2029. Il a également évoqué la possibilité d’organiser un nouveau référendum, cette fois-ci sur le rétablissement de la peine capitale, une initiative qui sonnerait le glas du processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

« L’UE dispose de moins en moins de leviers pour faire entendre ses vues à la Turquie »
Le gouvernement présente cette révision constitutionnelle comme indispensable pour assurer la stabilité de la Turquie et lui permettre de faire face aux défis sécuritaires et économiques. Elle prévoit en particulier l’abolition du poste de Premier ministre au profit d’un hyperprésident, alors qu’Erdogan est déjà accusé d’autoritarisme par ses détracteurs, surtout depuis le coup d’État avorté.
Quelque 47 000 personnes ont été arrêtées et plus de 100 000 limogées ou suspendues de leurs fonctions. Le parti prokurde HDP a ainsi dû faire campagne avec ses deux coprésidents et nombre de ses élus en prison, accusés de liens avec les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Avec AFP